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Vote au soviet des caisses d'Epargne 

Par NICOLAS CORI

LIBÉRATION du  mercredi 14 juin 2000


«Le système le plus
transparent qui puisse
exister.» Le président
des Caisses d'épargne
«Une République
bananière.» Un
syndicaliste



On connaissait la formule : «Petit actionnaire, petit con.» Les clients des Caisses d'épargne vont découvrir un nouveau dicton : «Petit sociétaire, petit con.»
Depuis le 1er janvier, les Caisses d'épargne, qui dépendaient auparavant de l'État, se sont transformées en banques coopératives.
Chaque client a donc été invité à acheter des parts sociales de l'Écureuil. A ce jour, plus d'un million de clients sont ainsi devenus copropriétaires des caisses régionales. Avec en tête l'idée que le statut coopératif est le «système le plus transparent qui puisse exister», comme l'expliquait Charles Milhaud, président du groupe des Caisses d'épargne en février dernier. 

Mais ces sociétaires vont vite déchanter sur la façon dont le principe «un homme, une voix» est appliqué, lors des élections qui doivent leur permettre de désigner des représentants. Tout a été fait pour qu'aucun fâcheux grain de sable ne vienne perturber les choix de la direction. 

Petits arrangements. Premier souci des dirigeants des caisses régionales : éviter de se retrouver avec une pléthore de candidatures. Fin mai, les sociétaires ont reçu par la poste une convocation à l'assemblée générale de la Société d'épargne locale (SLE) dont ils dépendent (lire schéma ci-contre). Mais, un avis publié fin avril au très discret Bulletin des annonces légales et obligatoires (Balo) prévenait qu'ils avaient jusqu'au 15 mai pour s'inscrire officiellement... Les candidatures sont ensuite présentées en séance, sans aucune chance d'être discutées. Les caisses ont en effet mis au point un règlement très spécial pour le vote. Lors des assemblées des SLE, les candidatures sont examinées sous forme de résolution les unes après les autres. Il faut 18 élus. Si les 18 premières résolutions sont adoptées, le vote est clos. Et les candidatures qui suivent ne font l'objet d'aucune discussion. Petite précision, et de taille, c'est l'actuel président de la caisse régionale qui décide de l'ordre du jour, et donc de l'ordre des résolutions ! Et si cela ne suffisait pas pour faire élire ses protégés, le président dispose des procurations en blanc des sociétaires absents. A l'opposé, les détenteurs de parts sociales présents n'ont le droit qu'à une seule procuration. 
Exemple, lors du vote à la Société locale d'épargne de Seine-Saint-Denis (dépendante de la caisse régionale d'Ile-de-France), qui s'est déroulé hier. Le président, Bernard Comolet, avait entre les mains 3 411 procurations. 122 personnes étaient présentes et représentaient 134 voix. Les 18 premiers candidats présentés par l'administrateur ont tous été élus à la soviétique. 
Sommation. «C'est une énorme mascarade, estime Alain Chapon, délégué CGT de la caisse, présent lors de l'assemblée. Aucune précision n'a été donnée par Bernard Comolet. Beaucoup de clients présents se sont demandé pourquoi ils étaient là. Tout est joué d'avance !» Les autres syndicats ont réagi avec la même virulence. 

Le Syndicat unifié (SU), majoritaire, traite la Caisse d'épargne de «république bananière» et évoque «un mode électoral sur mesure, mieux qu'en Corse et qu'à Paris». Seule réponse de la direction (injoignable hier), elle a fait déposer par voie d'huissier une sommation pour cesser toute diffusion des tracts syndicaux. Et elle se contente de rappeler aux sociétaires mécontents qu'elle ne fait qu'appliquer le règlement. «Une règle concoctée dans le secret des cabinets et qui dévoie le principe coopératif», juge Jean-Jacques Dormoy, délégué SU au conseil de surveillance de la caisse d'Ile-de-France. 

Les syndicats hésitent à engager des recours en justice devant la complexité du statut juridique des SLE (coopératives) et des caisses régionales (sociétés anonymes).  Dysfonctionnements. A cela s'ajoute un aspect politique. Lors de l'assemblée de Seine-Saint-Denis, «beaucoup d'élus étaient proches du maire de Villemomble parmi les candidats. Or, c'est l'une des seules communes du 93 à être dirigée par la droite», remarque perfidement une sociétaire présente. La caisse d'Ile-de-France a en effet la réputation d'être noyautée par le RPR. «La plupart des membres actuels du conseil ont été parrainés par Jacques Friedmann, ex-président de l'UAP et ami de Jacques Chirac», ajoute Jean-Jacques Dormoy. Parmi les candidats à des places éligibles en Ile-de-France, on retrouve ainsi l'épouse de Jacques Friedmann, des membres de la famille de Gaulle ou Antoine Veil (le mari de Simone Veil). Cet aspect politique de l'affaire a même été évoqué à l'Assemblée nationale. En réponse à une question d'un député socialiste, Laurent Fabius a admis que des «dysfonctionnements» lui avaient été signalés. Il a invité le président national de la caisse à rappeler aux dirigeants régionaux qu'«il n'y a pas lieu de mêler critères politiques et compétences». Cet appel ne semble pas avoir été entendu. 

2ème SÉANCE DU MARDI 30 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

ÉLECTION DES ADMINISTRATEURS DES CAISSES D'ÉPARGNE

M. Jérôme Cahuzac (Député Socialiste) - En application de la loi portant réforme de la Caisse d'épargne, des élections doivent avoir lieu qui permettront de constituer les conseils d'administration. La seule condition posée, dans la loi, pour l'éligibilité au mandat d'administrateur, est d'être titulaire d'au moins une part sociale. Cependant, certains administrateurs provisoires semblent instituer d'autres critères dont on peut, au choix, considérer qu'ils sont peu clairs ou qu'ils le sont trop, puisqu'ils font dépendre l'éligibilité de motivations politiques ou partisanes.

Des consignes auraient-elles été données en ce sens ? Et si tel n'a pas été le cas, que comptez-vous faire, Monsieur le ministre de l'économie, pour obtenir des intéressés qu'ils privilégient l'intérêt bien compris des sociétaires et des clients de la Caisse d'épargne, et celui-ci seulement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le Gouvernement est très attaché à voir s'appliquer les dispositions prévues dans la loi de juin 1999 qui réformait la Caisse d'épargne. Des dysfonctionnements m'ont été signalés, dans des lieux qui vous sont chers mais ailleurs également. La loi prévoit, en effet, un critère d'éligibilité au mandat d'administrateur, et un seul : il faut détenir une part sociale de la caisse que l'on souhaite administrer. La loi n'attribue par ailleurs aux administrateurs provisoires aucun pouvoir exorbitant du droit commun.

Je sais que, déjà, le président Milhaud à été amené à écrire aux caisses d'épargne régionales après avoir appris que certains salariés éprouvaient des difficultés lorsqu'ils sollicitaient des autorisations d'absence pour aller voter.

Puisque des difficultés d'un autre ordre apparaissent, j'inviterai M. Milhaud à adresser un nouveau courrier aux intéressés, dans lequel il leur rappellera qu'il n'y a pas lieu de mêler critères politiques et compétence. Ceux qui seraient d'un autre avis doivent le dire clairement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).