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Lettre de Jacques MOREAU commentant la réunion DRH
Le 1er décembre 2000
LE CHANGEMENT AU CŒUR DES RESSOURCES HUMAINES ?
Avec force témoignages de personnalités
prestigieuses d’exemplarité et de référentiel, les DRH du groupe
Accord, de Vivendi, le PDG d’Air France, de Suez-Téléfonica, la CNCE a
organisé en octobre sa convention ressources humaines à REIMS sur le
thème : Les RH AU CŒUR DU CHANGEMENT
Quels sont
nos commentaires, nos positions sur les déclarations et les affirmations des
participants autour des grands thèmes abordés lors de cette
manifestation !
DU CHANGEMENT
Dans son intervention d’ouverture, intitulée les leviers du changement,
M.Mettling affirme: "Les hommes et notamment le management mais aussi le
dialogue social sont la clé de la réussite du changement".
A ce postulat du changement, nous objecterons les propos du
sociologue R.SAINSAULIEU : "La culture fixe les limites du changement.
Le problème est moins de la changer que d’agir en cohérence avec elle.
La recherche de cohérence prime sur l’imitation ou l’application
d’un modèle"
Peut-on changer une culture sur son registre ? Nous en
doutons, par contre, il est possible de faire évoluer le management, les
structures et les systèmes.
DE L’ENCADREMENT
Parmi les quatre grandes orientations de la convention
figurait le positionnement de l’encadrement " au cœur du
processus de changement ".
L’encadrement se voit donc pour la première fois qualifié
d’enjeu, voire
même de pierre angulaire par les employeurs du
groupe.
Voilà qui confirme notre analyse, car notre positionnement
est l’un des trois principes de notre identité Nous avons précédé l’employeur
sur ce sujet.
Il s’agirait donc d’une catégorie à séduire, mais à
quelles conditions ? S’agit–il de l’identifier et la nommer pour
gérer son allégeance, et lui prévoir le devenir d’un collectif de
thuriféraires des valeurs nouvelles, des assidus de coterie ?
Nous lisons dans le compte-rendu :
" La nécessité de fédérer l’encadrement
autour des valeurs et des principes de management conduit le groupe à élaborer
une charte en concertation avec la population concernée. "
Ce discours appelle les remarques suivantes :
1) L’encadrement est depuis bien longtemps apte et de
surcroît bien placé pour se définir et se positionner sans l’employeur.
2) Lorsque l’on connaît le passé social de certains
intervenants dont le parcours de carrière s’est réalisé sur le paternalisme
et la soumission matinée de féodalisme, on reste pantois, circonspect sinon
inquiet à l’idée qu’ils s’engagent dans une démarche de positionnement
de l’encadrement.
Certains dirigeants sont-ils capables de passer du pouvoir
personnel à l’animation des compétences ?
Ce serait sous-estimer l’effet du principe de répétition
dans le fonctionnement de la psyché.
3) Quant aux valeurs et principes de management, l’employeur
n’a pas et ne devra pas avoir le monopole de leur établissement.
C’est en effet sur la catégorie des valeurs que le risque
de contrefaçon est le plus important.
Saura-t-on distinguer une valeur d’un slogan creux à la
mode au seul packaging valorisant, d’un concept culte ou d’un pattern d’adaptation ?
Nous connaissons bien les effets de ces projets d’entreprises
composés d’instruments empruntés au libre service des poncifs où se mêlent
croyances, incantations, et censure.
Ils constituent souvent un discours qui ne laisse place que
pour la conformité béate, concourant efficacement à l’affaiblissement du
libre arbitre, incitant à laisser penser autrui à sa place tout en lui en
étant reconnaissant.
Les dites valeurs devront être soumises au crible pour
détecter leur éventuelle insignifiance et éviter le risque d’anesthésie du
corps social.
Il sera indispensable d’identifier la finalité de l’entreprise.
Pour ce faire, référons-nous aux propos de P.Bourdieu :
" Le changement de culture ne se décrète pas et ne se
réduit pas à la sloganisation "
De même, H. Landier déclare " Enfin la
culture d’entreprise à l’instar d’autres modes de management n’est pas
à l’abri d’une surestimation ou du " cosmétisme " dont
on ne se lassera jamais de souligner les impostures et l’autosuffisance "
4) Pour l’élaboration de la charte de management,
comprenant valeurs, principes et pratiques, un processus bilatéral entre les
partenaires, acteurs de la compréhension des enjeux, serait préférable à une
concertation ultérieure.
Une démarche unilatérale signant l’inégalité des
parties nous place en situation de demande ou d’adhésion automatique mettant
en avant une passivité à toute épreuve.
Quant à la concertation proposée,
Saura-t-elle suspendre le lien hiérarchique le temps de sa
réalisation ?
Pourra-t-elle être effectuée dans une relation d’égal à
égal avec des engagements de loyauté réciproque ?
Quant au contenu pourra-t-il se défaire des dérives
traditionnelles du pouvoir de direction dont l’exercice talentueux est rare,
même s’il se pare des atours de la modernité ?
DE LA RELATION SOCIALE
On entend chez les acteurs de la filière RH, de l’indignation,
du regret, de la déploration, de la récrimination sur l’existence d’échanges
contradictoires conflictuels, hostiles et houleux, et " d’un
dialogue tendu, parfois dur avec les syndicats ".
Réaction mondaine du ressort de la morale surinvestie de
bonne conscience qui fait office de déni de la causalité du phénomène.
On gère du même coup le refoulement sur les effets gênants
du " syndrome de Stockholm ".
On met en œuvre l’amnésie sur l’historique de
" fausse cogestion "
Certains agissements constatés dans l’exercice du pouvoir
de direction sont à l’origine de ces tensions.
Il est donc question là de comportement.
Combien d’abus critiquables sur le plan du respect des
salariés, de l’atteinte à la dignité, de comportements déviants ?
Combien de décisions non fondées sur l'intérêt de
l'entreprise mais sur l'arbitraire, la subjectivité, le bon vouloir, cela en
violation des principes et règles du droit positif du travail ?
La dénonciation des agirs contrevenant au droit du travail,
aux valeurs qui l’étaye et donc à la compétence, cause confrontation
légitime.
Que dire enfin, des pratiques irrégulières sanctionnées
par les juridictions :
 | Départs en retraite dissimulés en licenciement, |
 | Pratiques consistant à abuser de son pouvoir hiérarchique pour obtenir
des témoignages écrits en défaveur d’un collègue ( Ile de France
Nord), |
 | Licenciement sur des causes irréelles et modifiées en cours de
procédure sanctionné par la cour d’appel de Rennes, |
 | Licenciement abusif sur des motifs tenant à la vie privée confirmée par
la |
 | Cour d’Appel de Lille etc.… |
La nature humaine, ses faiblesses et son imperfection
peuvent expliquer de tels errements.
Cependant, si nous désertons le domaine philosophique et
moral, nous affirmons qu’il s’agit simplement d’incompétence à gérer
les ressources humaines dans le respect du droit positif.
Cette responsabilité incombe aux dirigeants.
Conviendrait-il de demeurer diplomate, onctueux, précieux,
échanger des propos frivoles dans les commissions en présence des auteurs des
actes ou de leurs représentants ?
Ce serait se faire complice de l’incompétence !
DE LA COMMUNICATION SOCIALE,
On lit dans le compte rendu : " ce n’est
pas aux organisations syndicales d’expliquer et de communiquer sur les
questions sociales, c’est une fonction de l’employeur ! "
Nous soulignerons en premier lieu, que l’employeur ne
saurait avoir le monopole de cette communication, ce qui reviendrait à nier l’existence
légale des syndicats et, qu’en second lieu les employeurs ont toujours opté
pour un mode de pouvoir reposant sur la rétention d’information, l’opacité,
nourrissant de ce fait la rumeur et le distillat sournois de données à des
privilégiés.
Enfin, avaient-ils matière et volonté pour construire un
discours, pour
présenter un projet mobilisateur, définir des objectifs,
des règles claires de gestion sociale et les respecter ?
Enfin, le discours des employeurs a-t-il encore du crédit au
regard de son destin d’apostasie ?
M.Mettling déclare faire évoluer le dialogue social en
préconisant " de sortir du jeux à deux en développant
une communication sociale destinée directement aux salariés ".
Voilà un énoncé classique de manœuvre " à
revers " ou " de désolidarisation "
La réussite de cette opération est subordonnée à la
capacité et au courage d’affirmer une politique claire, des objectifs, des
valeurs et des normes que l’énonceur devra respecter, en d’autres termes
être exemplaire ! Prenons date.
DE LA REMUNERATION
" On ne peut parler de motivation sans parler de
rémunération " déclare l’un des participants.
Voilà une vision réductrice, simplifiée et erronée de la
motivation qui fait fi des autres dimensions qualitatives et des effets de
seuil.
Ces principes élémentaires régissant la motivation
figurent dans tous les manuels de management !
Quant aux affirmations des participants sur l’évolution du
dispositif, elles nous inspirent trois remarques :
1) La rémunération individualisée existe dans les textes
statutaires en vigueur par le biais de l’avancement dans l’emploi et des
primes. Ce qui est en cause, c’est la capacité des utilisateurs et l’usage
souvent discrédité par les dérives et défaillance managériales.
A titre d’exemple :
 | Le saupoudrage successif sur plusieurs exercices signant un refus de
décider (chacun son tour). |
 | L’absence de critères fiables pour mesurer la performance |
 | L’incapacité à fixer des objectifs. |
 | L’absence de corrélat entre l’appréciation des résultats et la
rémunération. |
 | Les modes de fixation du montant des enveloppes destinées aux révisions
salariales (effectifs, masse salariale), tous imparfaits mais rarement
concertés et explicités. |
 | La déresponsabilisation qui consiste à désigner un tiers comme cause de
parcimonie de l’enveloppe ( autre collègue, pression intuitu personae,
conjoncture, instruction nationale) pour justifier l’absence de mesure
salariale. |
 | La modification des règles d’attribution en cours d’année. |
 | Les promesses de report ultérieur non respecté, utilisées pour s’exonérer
d’une motivation. |
 | Les augmentations de salaires ou primes pour nouer des pactes de
dépendance ou de docilité. |
2) Le système de classification actuel n’est pas onéreux
intrinsèquement, ni aucun autre système de classification d’ailleurs.
C’est l’application et l’usage qui en est fait, qui
causent problème.
Il en est ainsi :
 | Des détournements du dispositif comme mesure d’avancement, |
 | De l’octroi d’un niveau de classification sans aucun lien avec l’emploi
occupé pour répondre à une demande de carrière. |
De même le dispositif de classification aux emplois en neuf
niveaux est devenu obsolète et inadéquat aux métiers actuels résultant de la
diversification des activités dans les entreprises.
A titre d’exemple :
 | La désertification de certains niveaux d’emploi et la concentration
excessive dans un nombre réduit de niveaux institués par des pratiques ou
des accords locaux |
 | Le dédoublement de certains niveaux de classification pour créer des
sous-dispositifs de progression dans certains métiers ou pour conserver des
marges de carrière. |
Autant de symptômes d’un système trop étriqué et
inadapté à la gestion des ressources humaines, faisant l’objet d’applicatifs
hétéroclites et de déformations locales.
La problématique des rémunérations est en partie celle de
la compétence de ceux qui la mettent en œuvre.
Le changement de modèle automobile ne rend pas son
conducteur plus habile.
3) La notion de rémunération annuelle serait la
reconnaissance d’une pratique en expansion qui aurait le mérite de la
simplification.
Le concept de rétribution qui appartient au domaine de la
gestion des coûts est critiquable, car s’il est homogène pour l’entreprise,
il est incompatible d’une part avec l’hétérogénéité des sources
juridiques des composantes de la rémunération et d’autre part avec leur
régime : salaire, intéressement, participation, distribution de parts
sociales…
Il conviendra de s’assurer d’une répartition équitable
et équilibrée entre les mesures collectives et individuelles.
Elles ont chacune leur finalité, voire leur signification
vis à vis du corps social.
L’usage exclusif de mesures individuelles porterait à l’évidence
atteinte à la cohésion.
Ce choix viendrait contrarier la mobilisation collective
prônée par M. WAHL sur : " la volonté coordonnée de
quarante deux mille personnes qui savent pourquoi elles travaillent ".
Certains dispositifs comme l’évolution du point lié à l’inflation
ont une finalité propre qui ne peut être écartée.
Enfin la rémunération individuelle obéit à un principe
incontournable de contrepartie d’une activité ou production dont il s’agira
de mesurer objectivement la valeur en tant que cause dans le cadre d’un
contrat.
Le droit positif impose le respect de quelques
principes ; celui de l’arrêt Ponsolle ; à travail égal
salaire égal, et celui de la jurisprudence Renault sur les
gratifications lors des challenges commerciaux.
Quant à la motivation sous jacente à de telles démarches,
elle ne se résume pas aux seules mesures salariales ponctuelles. Elle trouve
également sa source dans la confiance dans les dirigeants, donc la qualité du
management, les comportements, le climat social.
En outre, l’intégration d’une part variable dans le
salaire est subordonnée à des conditions de rigueur, de généralité et d’équité
qui ne sont pas actuellement présentes dans le groupe.
Les positions de la CNCE en terme d’évolution du salaire
moyen annuel ou de la masse salariale comparée à d’autres banques ne
respecte pas l’équilibre entre la prestation de travail individuelle et la
rémunération.
Cette appréhension d’une moyenne collective ne saurait
dispenser les employeurs de faire un inventaire des compétences en stock et de
procéder à une ré allocation des compétences pertinente et courageuse.
Cette insistance sur les rémunérations tant en terme de
masse globale est-elle un indice de l’existence d’une stratégie de sortie
vers le bas,
(Réduction des coûts) et de l’incertitude de la réussite
d’une stratégie de sortie vers le haut ?
S’agit –il en arrière plan de stratégie de
rupture ?
DU LEITMOTIV " DONNER DU SENS A L’ACTIVITE DES SALARIES "
IL y a à dire sur cette formule utilisée fréquemment par
le directoire.
Donner du sens en partageant un même but, constitue un
moyen, une technique, voire un processus qui devra être instrumenté et qui
laisse intact la question essentielle du contenu de celui-ci.
Nous avons préféré le terme signification, car nous
pénétrons là dans le registre des facteurs ou causes de mobilisation.
Les interrogations suivantes s’imposent : Quelle
finalité ? Quel idéal collectif ? Quelle projection ? Quelles
représentations avec pour perspective l’accès à l’identité
collective ? Quelle éthique ? (Laquelle concernera l’ensemble du
relationnel interne et externe)
Comme le souligne P. Legendre " Un rapprochement
entre la règle ou norme et les valeurs devra être établi "
Enfin, à qui est dévolue la gérance des signifiants ?
On n’aborde pas l’univers du discours institutionnel qu’avec
des idées mais aussi avec du fantasme.
Sur ce processus il sera indispensable de tracer la limite
territoriale.
Il s’agit des frontières entre ce qui ressort de l’activité
professionnelle et ce qui appartient aux valeurs et à la conviction
personnelle.
Aux propos lyriques de P. WAHL sur le projet de donner
conscience aux hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux, nous
répondrons : " Gouverner est une affaire de culture plus que
de puissance ; c’est miser sur l’intelligence du gouverné et sa
capacité à devenir lui-même entrepreneur " ( J. Moreau CPA
1991 )Pour conclure sur le discours champenois, autorisons-nous à relever et
à citer quelques propos pertinents que nous pourrions rappeler aux participants
ultérieurement à l’occasion :
" La DRH au niveau central doit être un lieu de
compétence et de professionnalisme mais en aucun cas un lieu de
pouvoir "
" Il faudra s’attacher à l’exemplarité du
management du directoire "
DU MANAGEMENT DES RH
Avant de constater une amélioration du comportement
managérial de certains, voici quelques aphorismes.
Compétence – allégeance
 | L’allégeance à degré élevé vaut label de compétence décerné par
ceux qui souvent n’ont pas qualité pour apprécier la compétence, puisque
leur position résulte de l’allégeance. |
 | La compétence autorise l’autonomie et une relation objective de travail,
l’absence ou l’insuffisance de compétences condamne à l’allégeance
sur un registre subjectif sur compensé. |
 | Le compétent est soupçonné de non-allégeance, car il est en mesure de s’exonérer
d’une relation de docilité et de s’en tenir à l’exécution de bonne
foi et à la loyauté contractuelle |
 | Le procès de non-allégeance se chuchote en médisance et calomnie, il
emprunte abusivement les concepts tels que la confiance dont les contenus s’affilient
aux représentations imaginaires et affectives et où tous les scénarios
peuvent être élaborés par destin étranger à la réalité. |